Echange de vues entre le SYVICOL et la coalition Wunnrecht
En date du 28 février 2022, le président du SYVICOL s’est entretenu par visioconférence avec des membres de la coalition Wunnrecht, qui lui ont exposé certaines des revendications de la plateforme s’adressant plus particulièrement aux communes. La lutte contre la spéculation foncière, la construction et de la mise à disposition de logements sociaux, ainsi que de la colocation ont été parmi les problématiques abordées. Compte-tenu de l’actualité internationale, la question de l’hébergement des demandeurs respectivement des bénéficiaires de protection internationale a également été discutée.
La discussion a été ouverte par Sergio Ferreira de l’ASTI, qui est membre de la coalition ad hoc Wunnrecht réunissant différentes associations actives dans le domaine du logement social. Il a constaté que les communes, bien qu’ayant des moyens plus limités que l’Etat, peuvent néanmoins agir pour inciter à la création et à l’activation de logements sur leur territoire, notamment en instaurant une taxe communale sur les logements inoccupés et les terrains non bâtis, ce que seules quelques-unes d’entre elles ont fait à ce jour. Emile Eicher a répondu qu’effectivement, cette taxe a été peu mise en œuvre faute d’encadrement légal suffisant permettant aux communes d’assurer d’une part le contrôle des logements vacants et, d’autre part, la collecte de cette taxe. C’est pourquoi le SYVICOL réclame depuis plusieurs années la création d’un impôt au niveau national pour surmonter les incertitudes juridiques liées à cette taxe, tout en demandant que les recettes ainsi perçues soient reversées aux communes. Le président du SYVICOL s’est partant réjouit de l’annonce faite par le Premier ministre au mois d’octobre dernier de taxer la spéculation de terrains constructibles et d’appartements, dans le cadre d’une réforme générale de l’impôt foncier. Le SYVICOL est désormais dans l’attente d’une proposition concrète en ce sens.
Une autre revendication exprimée par la coalition Wunnrecht est celle de la construction et de l’aménagement d’urgence de 4.000 logements sociaux nécessaires à court et moyen terme. Le président du SYVICOL a constaté qu’effectivement, il existe un déficit de logements sociaux, ce qui explique également que des logements en principe réservés pour les cas d’urgence, par exemple pour permettre un relogement dans le cadre d’une fermeture administrative, sont souvent affectés à l’hébergement social afin de ne pas les laisser inutilisés. En conséquence, ces logements d’urgence ne sont pas forcément disponibles à très court terme.
Sergio Ferreira s’est demandé si la mise à disposition de conseillers logement pour les communes dans le cadre du Pacte logement 2.0. est perçue comme une évolution positive. « C’était toujours une de nos revendications, donc nous sommes très contents. Cependant, il ne faut pas avoir des attentes trop élevées, cela va prendre du temps jusqu’à ce que l’on voie les premiers résultats alors que les besoins existent maintenant » a répondu Emile Eicher. Une fois le programme local d’action logement adopté, beaucoup d’obstacles se dressent encore sur la route avant que des logements soient effectivement disponibles.
Préalablement à la construction de nouveaux logements, les communes doivent aussi investir dans les infrastructures car pour pouvoir accueillir ces nouveaux habitants, « les communes doivent être en mesure de fournir la base des infrastructures pour la population que l’on veut attirer, des écoles, des stations d’épuration, etc ». La pénurie de main d’œuvre dans le secteur de la construction ainsi que l’explosion du coût des matières premières, parfois jusqu’à 60% du prix, freine le développement de tous les projets, a expliqué Emile Eicher. La construction modulaire, qui convient à une construction rapide à l’aide d’éléments préfabriqués est, elle aussi, impactée par une rupture d’approvisionnement de ces éléments sur plusieurs mois.
Le projet de loi n°7937 relative au logement abordable déposé au mois de décembre dernier ne prévoit cependant pas d’augmenter la participation financière de l’Etat en faveur du logement abordable en maintenant un taux maximal de 75% des coûts, ce taux n’étant en réalité jamais atteint alors que les montants sur lesquels la participation est calculée sont eux-mêmes plafonnés par le ministère du logement. « Les communes auraient pu s’attendre à davantage de soutien financier de la part du gouvernement » a regretté le président du SYVICOL. D’un autre côté, le pouvoir de décision des communes en ce qui concerne les locataires bénéficiaires de ces logements abordables sera considérablement restreint. « Les communes veulent soutenir leurs citoyens, on connait mieux leurs besoins et on peut leur apporter une aide qui va au-delà d’un logement, et nous savons quel logement peut leur convenir le mieux » a souligné Emile Eicher.
Ambre Schulz de l’association Passerell a ensuite abordé la problématique de l’hébergement des demandeurs de protection internationale mais également des bénéficiaires de protection internationale, qui éprouvent encore plus de difficultés à accéder au marché privé. Les 54 structures gérées par l’Office national de l’accueil sont saturées et pour les personnes qui ont accédé au statut de réfugiés, il est très difficile d’en sortir, ce qui les empêchent de s’intégrer pleinement dans la société et de devenir autonomes. L’association revendique d’une part davantage de structures d’hébergement d’urgence pour les DPI, et de faciliter l’accès à un logement pour les BPI. Le président du SYVICOL répond qu’un nouvel appel de solidarité a été lancé aux communes pour justement développer à court terme les capacités d’accueil des DPI compte-tenu de l’actuel conflit en Ukraine et aussi multiplier le nombre de structures d’hébergement sur le long terme. Le SYVICOL a été actif ces dernières années pour relayer les appels du ministère des Affaires étrangères et, dans le contexte de la guerre en Ukraine, il a lui-même adopté une résolution appelant les communes à se mobiliser pour accueillir les DPI le moment venu et à dresser immédiatement un inventaire de leurs possibilités d’hébergement d’urgence. Emile Eicher a encore estimé qu’un allégement administratif et procédural serait bénéfique à l’implantation de ces structures, principalement de type modulaire.
Enfin, Marinella Rinaldis, administratrice du projet WG de l’asbl Life, a exposé les difficultés rencontrées par l’association, qui transforme des maisons en colocation abordables promouvant le partage et la solidarité entre les personnes. L’association réclame ainsi la régularisation des personnes inscrites sur le registre d’attente des communes, une autorisation des colocations par les plans d’aménagement généraux des communes, ainsi que des critères de salubrité, d’hygiène et de sécurité uniformes sur l’ensemble du territoire national. Le président du SYVICOL a indiqué que le registre d’attente donne la possibilité aux personnes qui y sont inscrites de régulariser leur situation, tout en tenant compte du fait que les autorités communales doivent savoir qui habite sur leur territoire. Il a encore expliqué que les communes ont adopté une approche parfois différente vis-à-vis des colocations en raison de l’absence de cadre légal réglementant cette forme de vivre-ensemble, cadre légal qui doit être créé par le projet de loi n°7642 portant modification de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation. Les colocations sont en principe acceptées à condition que les occupants soient liés par un bail commun et qu’ils soient correctement inscrits auprès de la commune de résidence. C’est également ce qui permet de distinguer une colocation de la location de chambres meublées, qui ne satisfont pas toujours aux normes légales et réglementaires. L’office d’aide sociale Resonord, qui regroupe 9 communes, a ainsi mis en place un label pour les chambres de café qui répondent à certaines normes de qualité, garantissant le respect par les propriétaires des normes minimales fixées par la loi.
Tout comme les membres de la coalition Wunnrecht, le SYVICOL attend de voir les suites qui seront réservées à ces projets de loi. Emile Eicher a clôturé cet entretien sur le constat que seule une collaboration efficace entre tous les acteurs concernés permettra de réaliser les objectifs visés par la politique du logement.