Problématique posée par le futur article 29bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain : Madame la ministre de l’Intérieur se veut rassurante

Très préoccupé par la direction prise par le projet de loi n°7648 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables et plus précisément par l’article 10 du projet de loi tel qu’amendé par le gouvernement au mois de mars, le SYVICOL, soucieux d’engager un dialogue avec le ministère de l’Intérieur pour rechercher une solution politique et concertée, avait sollicité une entrevue urgente avec Madame la Ministre pour lui exprimer de vive voix ses craintes exprimées dans son avis complémentaire du 20 mai dernier. Celle-ci a eu lieu par visioconférence en date de ce jour.

Pour rappel, le SYVICOL s’oppose à une disposition de cet article prévoyant que dans chaque futur plan d’aménagement particulier au-delà de 10 unités, le degré d’utilisation du sol pourra d’office être augmenté de 10%. Il s’agit d’une compensation pour la cession des fonds réservés à la réalisation de logements abordables telle que prévue par le futur article 29bis. Alors qu’à l’origine, une indemnisation financière était prévue, le texte amendé prévoit désormais une contrepartie en nature pour le cédant, à savoir l’augmentation automatique du degré d’utilisation du sol définie dans le PAG de 10%, sans aucune modification de celui-ci.

Ce sont ces modalités qui risquent de poser de graves problèmes aux yeux du SYVICOL, qui a réitéré de vive voix à Madame la Ministre ses craintes exprimées dans son avis. S’il adhère totalement aux objectifs visés par l’article 29bis de construire des logements et de garantir que ceux-ci restent dans les mains des pouvoirs publics, il estime que l’on peut y parvenir sans sacrifier les bases de la planification sur le territoire communal établie par les communes avec la collaboration et la participation du public. « Ce qui nous gêne fondamentalement, c’est que l’on prévoit une dérogation au PAG sans que les citoyens ne soient consultés », a souligné le président du SYVICOL, Emile Eicher, qui aurait préféré une procédure transparente laissant le choix à la commune, par le biais d’une modification de son PAG.

En l’état, le SYVICOL redoute que cette nouvelle disposition ne place les autorités communales dans une position délicate alors qu’une commune qui approuverait un PAP, par définition non conforme à son PAG, violerait la loi précitée et se placerait dans l’illégalité. Admettre qu’un PAP peut déroger, de manière générale, au PAG revient à ouvrir une boîte de Pandore. Il s’y ajoute que la problématique de la cession elle-même est encore plus prégnante lorsque le cessionnaire est l’Etat ou un promoteur public qui lui est subrogé, alors que la contrepartie en nature n’est pas consentie par le cessionnaire, ce qui porte plus généralement atteinte au principe de l’autonomie communale.

Madame la Ministre a apporté certaines précisions par rapport aux amendements gouvernementaux et à leur motivation, expliquant que ce principe de la contrepartie en nature est le fruit d’une longue réflexion et qu’il a été retenu par préférence à d’autres alternatives, lesquelles ont été rejetées pour cause d’insécurité juridique. Elle a exclu d’apporter une quelconque modification au texte, estimant que le Conseil d’Etat, par son silence, cautionne le principe posé par l’article 29bis et ouvre ainsi la voix à sa mise en œuvre. Madame la Ministre a cependant affirmé comprendre les appréhensions du SYVICOL mais a indiqué que les citoyens auront leur mot à dire en ce qui concerne la distribution du potentiel constructible supplémentaire, et que « la commune aura le dernier mot ».

Le SYVICOL a répondu que c’est précisément ce point qui est source d’inquiétude, car la position de la commune dans les négociations avec le promoteur ne sera pas facile : quels seront les moyens à sa disposition pour faire valoir sa position quant à la distribution de ces 10% supplémentaires ? Quelle est la marge de manœuvre de la commune pour refuser un PAP en invoquant des motifs fondés sur les objectifs de l’aménagement communal, par exemple le développement harmonieux des structures urbaines et rurales ?

Madame la Ministre a indiqué avoir conscience que ces négociations dans le cadre de la convention ne seront pas évidentes, c’est pourquoi le ministère a la volonté d’accompagner les communes à un stade précoce dans ce processus. Elle a ainsi tenu à rassurer le SYVICOL sur le fait que les autorités communales, dès l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, pourront chercher conseil auprès du ministère de l’Intérieur qui s’attèlera prochainement à mettre en place ensemble avec le ministère du Logement des lignes directrices.

« C’est quelque chose que nous saluons, car les communes auront absolument besoin de recommandations dans le cadre de la négociation » a répondu Emile Eicher. L’échange et le dialogue entre les communes et l’Etat, surtout lorsque ce dernier est cessionnaire, doit être la règle.

Malgré cette volonté apaisante de la part du ministère, le SYVICOL maintient sa position et reste très circonspect à l’égard de cette disposition. Il suivra avec beaucoup d’attention la mise en œuvre sur le terrain du Pacte logement 2.0 et n’hésitera pas à faire remonter auprès des instances étatiques les problèmes rencontrés en pratique par ses membres.


Photo: © SYVICOL

Publié le : 04.06.2021