Entrevue avec les Ministres de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et de la Justice sur la sécurité dans l’espace public

Le 2 mars 2021, le bureau du SYVICOL, représenté par M. Emile Eicher, Mme. Lydie Polfer, M. Dan Biancalana et M. Louis Oberhag, a rencontré les Ministres Taina Bofferding, Sam Tanson et Henri Kox.

Au cœur de la réunion était le sujet de la sécurité dans l’espace public. En vue d’améliorer la situation actuelle et de donner aux communes les moyens d’apporter une réponse adéquate à cette problématique, les trois ministres et le SYVICOL ont eu un échange sur les difficultés rencontrées et les besoins des communes.

En préambule, Madame la Ministre de l’Intérieur Taina Bofferding a rappelé le contexte de cette entrevue et a insisté sur le fait que la mission en matière de police administrative exercée par les communes doit être assurée par celles-ci avec leurs propres moyens. Face aux problèmes de sécurité auxquels sont confrontées de nombreuses communes, certaines d’entre elles ont eu recours à des agents de gardiennage et de sécurité privés. Elle a cependant estimé qu’une mission de service public ne peut pas être ainsi déléguée, et qu’il s’agit désormais de travailler ensemble pour trouver une solution adéquate aux problèmes rencontrés par les communes.

Madame la Ministre de la Justice a présenté son point de vue en ce qui concerne l’application de la loi du 12 novembre 2002 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance. Elle a expliqué que les activités de gardiennage et de surveillance sont strictement limitées par la loi, à savoir la surveillance de biens mobiliers et immobiliers, la gestion de centres d’alarmes, le transport de fonds ou de valeurs et la protection de personnes. La surveillance de la voie publique de façon générale et absolue serait partant une mission ne pouvant pas être déléguée à une société de gardiennage et de sécurité privée. Madame la Ministre s’est néanmoins montrée ouverte à la possibilité d’avoir recours à une telle société, mais de manière exceptionnelle et sous condition que la mission de surveillance soit strictement encadrée par la loi. Un groupe de travail interministériel se penche actuellement sur une modification de la loi de 2002. Elle a indiqué comprendre la pression qui pèse sur les responsables communaux et leur frustration mais ne pas vouloir transiger avec la loi.

Monsieur le Ministre de la Sécurité intérieure a ensuite pris la parole et a assuré que les soucis des communes étaient pris très au sérieux. Selon lui, la réforme de la Police grand-ducale effectuée en 2018 a créé un lien étroit entre la police administrative et la Police grand-ducale. Un point essentiel pour améliorer la situation sur le terrain est le recrutement de personnel supplémentaire, mais la Police ne peut pas tout faire toute seule. Le défi est donc d’assurer la sécurité publique en ayant un dialogue permanent avec les communes.

Le SYVICOL a fait part aux trois ministres des doléances exprimées par les communes. Il a marqué son accord sur le fait que la sécurité publique doit rester un monopole de la main publique et a souligné que les communes ne contestent en rien les compétences de la Police, bien au contraire. Emile Eicher a expliqué que depuis la réforme de la Police, la problématique du manque de présence des policiers s’est accentuée, un constat qui est fait de manière générale. Depuis la fusion des commissariats de proximité et des centres d’intervention, les communes ont constaté une diminution de la présence policière sur le terrain, un sentiment qui semble également partagé parmi la population. Le problème tient également au fait que les communes ont adopté des règlements de police générale, mais que leur application n’est pas garantie faute de contrôle par la Police, qui est absorbée par ses autres missions.  Une extension des compétences des agents municipaux ouvrirait la voie à un tel contrôle sur le territoire communal. Certaines communes réclament encore l’instauration d’un “Platzverweis”. Pour Emile Eicher, « les communes auraient volontiers renoncé à des solutions de colmatage d’urgence si la présence policière était suffisante et donc dissuasive ». La première vice-présidente du SYVICOL, Madame Lydie Polfer, a réaffirmé que « ne rien faire n’est pas une option » et que tant l’Etat que les communes ont la responsabilité de garantir aux citoyens la sécurité à laquelle ils sont légitimement en droit de s’attendre.

Selon Monsieur le Ministre de la Sécurité intérieure, moins de patrouilles dans les rues ne veut pas forcément dire que les problèmes de sécurité sont en augmentation. Selon lui, le grand avantage de la réforme consiste dans la flexibilité des agents de police à se rendre plus vite sur le lieu. La vidéosurveillance doit également être utilisée de manière très ciblée et encadrée. En réponse, Madame Polfer a rappelé que la Ville de Luxembourg n’est pas la seule à connaître des problèmes au niveau de la sécurité, et que l’engagement d’une agence de sécurité était le seul moyen efficace et directement disponible. Le renfort policier attendu fait certainement partie d’une solution à long terme, mais apporte un grand désavantage : le temps.

Emile Eicher a ensuite interrogé Madame la Ministre de l’Intérieur sur le dossier des sanctions administratives et de l’élargissement des compétences des agents municipaux, qui n’a pas connu d’évolution depuis 2018.  « Ce dont les communes ont besoin, c’est de pouvoir punir rapidement et efficacement les petites infractions », de sorte que les agents municipaux doivent recevoir les pouvoirs nécessaires, surtout un pouvoir d’enquête. Madame Polfer a ajouté qu’il importe, afin que les agents municipaux puissent réellement contribuer à soulager les agents de la Police, que leur champ de compétence ne soit pas limité aux petites incivilités qui sont actuellement quasi impunies mais qu’il inclue certaines missions incombant actuellement à la Police. La mise en commun des efforts par le biais d’une mission déléguée à ces agents sous le contrôle de la Police serait dès lors l’approche adéquate. Madame la Ministre a répondu que dans le futur, il est effectivement prévu que les agents municipaux puissent constater les infractions aux règlements généraux de police et qu’ils recevront les compétences nécessaires pour remplir efficacement cette mission. De nouveaux amendements au projet de loi n°7126 sont ainsi en cours de finalisation et seront discutés avec le SYVICOL avant d’être validés.


Photo: © SYVICOL

Publié le : 03.03.2021