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Prise de position relative à la stratégie belge de gestion des déchets nucléaires dans le cadre de la consultation publique transfrontière de l‘ONDRAF

Lors de sa réunion du 8 juin 2020, le comité du SYVICOL a pris position par rapport au projet de plan pour la gestion à long terme des déchets de haute activité et/ou de longue durée de vie et sur le rapport sur les incidences environnementales y afférent, qui fait l'objet d'une consultation publique de l’Organisme national belge des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF).

La résolution, qui a été adoptée à l'unanimité et communiquée aux autorités belges, au gouvernement luxembourgeois et aux institutions Benelux, est reproduite ci-dessous. Merci aux communes qui ont elles-mêmes présenté leurs observations à l'ONDRAF. 

 

Le comité du SYVICOL,

Constatant qu’en Belgique, l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) a ouvert le 15 avril 2020 une consultation publique allant jusqu’au 13 juin 2020, qui porte sur la future stratégie de gestion des déchets nucléaires les plus problématiques ;

Vu le dossier en consultation, qui comprend un projet de plan sous forme d’Avant-projet d’arrêté royal établissant le processus d’adoption de la politique nationale relative a? la gestion a? long terme des déchets radioactifs conditionnés de haute activité et/ou de longue durée de vie et définissant la solution de gestion a? long terme de ces déchets, une évaluation des incidences environnementales y afférente, ainsi qu’un résumé non technique, consultables à l’adresse https://www.ondraf.be/sea2020 ;

Constatant que l’ONDRAF propose au gouvernement fédéral belge d’adopter le stockage géologique, c’est-à-dire l’enfouissement, comme choix officiel pour la gestion finale des déchets hautement radioactifs et/ou à vie longue et conclut à l’impossibilité « à ce stade d’évaluer les incidences transfrontières du Plan » tout en affirmant que « ses incidences environnementales attendues après fermeture complète sont essentiellement locales et faibles » ;

Déplorant que les pays voisins comme le Grand-Duché du Luxembourg et ses acteurs intéressés (institutions, associations, sociétés et citoyens) n’aient été prévenus à l’avance ni des démarches à venir, ni du calendrier de cette consultation sur un projet pourtant de nature transfrontière ;

Rappelant que, plus de 75 ans après le début de l’âge nucléaire, une solution sûre pour la gestion des déchets nucléaires de haute activité fait toujours défaut et qu’il n’y a pas de « bonne » solution et qu’il s’avère nécessaire de rechercher « la moins mauvaise » en établissant un consensus national autour de ce choix ;

Citant dans ce contexte l’exemple récent de l’ancienne mine de sel d'Asse, en Basse-Saxe, où des milliers de barils de déchets nucléaires sont entreposés dans des conditions alarmantes, à défaut d’endroit où leur stockage définitif puisse être assuré en toute sécurité ;

Rappelant qu’un stockage géologique de déchets hautement radioactifs à vie longue n'existe encore nulle part au monde, pas plus qu’il n’existe de retour d’expérience d’un stockage géologique en phase fermée, deux faits qui ressortent clairement du dossier ;

Constatant que, dans son projet de plan, l'ONDRAF propose d’opter pour le stockage géologique sans présenter de manière objective les alternatives possibles et en omettant de nombreuses informations pourtant nécessaires pour pouvoir se faire une opinion informée sur la problématique du stockage des déchets nucléaires belges, sur la faisabilité et la sécurité (ou non) du stockage géologique proposé, sur les coûts à long terme et sur l’impact environnemental – y compris transfrontalier ;

Souhaitant que des débats avec des experts indépendants soient organisés dans toutes les régions de Belgique et dans les régions des pays voisins qui pourraient être impactées par un tel projet et ce avant toute décision finale sur l’option du stockage géologique ;

S’attendant surtout à ce que les alternatives au stockage géologique soient explorées et présentées afin que la discussion sociétale aboutisse à un choix informé ;

Constatant que dans son étude sur les incidences environnementales, l’ONDRAF mentionne toutes les formations rocheuses envisageables sur le territoire belge, dont certaines sont très proches de la frontière luxembourgeoise, voire se prolongent sur le territoire du Luxembourg (p.ex. argilites en Gaume ou schistes ardoisiers pour le Synclinal de Neufchâteau) ;

Notant que le dossier en question ne contient ni d’analyse détaillée de ces zones, ni d’évaluation des incidences environnementales transfrontières ;

Insistant particulièrement sur le fait que notamment la couche géologique du « Synclinal de Neufchâteau » se prolonge en direction du principal réservoir d’eau potable du Grand-Duché – à savoir le lac de la Haute-Sûre, dont approximativement deux tiers de la surface du bassin versant se situent sur le territoire belge ;

Insistant également qu’une des couches géologiques, à savoir celle de la Gaume est très proche de la région de la vallée de l’Eisch et des sources du Syndicat des Eaux du Sud (SES), qui alimentent le sud-ouest du Grand-Duché de Luxembourg en eau potable et représentent environ 40% de la consommation d’eau dans cette région du pays ;

Rappelant que d’autres sources et forages d’eau potable existent dans la région frontalière et pourraient donc subir des incidences négatives ;

Convaincu qu’une contamination des nappes phréatiques ainsi que des eaux de surface suite à un accident pendant la phase d’exploitation d’un site de stockage, et surtout par des fuites radioactives lors de la phase fermée du site, ne peut jamais être exclue ;

Rappelant que la plupart des communes et à peu près 80% de la population luxembourgeoise sont raccordées aux installations de production d’eau potable du Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre (SEBES), qui fournit 40% de l’approvisionnement en eau potable du pays ;

Considérant qu’il en résulte que le projet en question risque de porter préjudice à quasiment toutes les communes du Grand-Duché du Luxembourg, ce qui oblige le Syndicat des Villes et Communes Luxembourgeoises (SYVICOL) à intervenir ;

Sachant qu’il existe un accord bilatéral belgo-luxembourgeois pour la reprise d’un maximum de 30m3 de déchets radioactifs luxembourgeois, mais que les quantités transférées en Belgique au titre de cet accord sont minuscules, étant donné que les déchets radioactifs originaires du secteur médical et du secteur industriel luxembourgeois doivent en principe être repris par les fournisseurs respectifs ;

A l’unanimité,

Décide

de s’opposer au projet de plan pour l’enfouissement géologique tel que proposé actuellement par l’autorité responsable belge ;

Demande par conséquent

de reporter la consultation publique en attendant que le projet de plan sur le stockage géologique des déchets radioactifs à haute activité et/ou à vie longue soit complété et rendu plus objectif, et qu’un véritable débat sociétal sur les meilleurs moyens - respectivement sur les moyens les moins mauvais - pour gérer les déchets radioactifs de haute activité et/ou à vie longue ait pu être lancé ;

Charge

le Bureau du SYVICOL de transmettre la présente délibération avant le 14 juin 2020 à l’ONDRAF.

Publié le : 08.06.2020

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